Depuis l’incroyable Le Diable, tout le temps, paru en 2012 (Le Livre de Poche), le nouveau roman de Donald Ray Pollock se faisait attendre et ne déçoit pas. On y retrouve les ingrédients qui on fait son succès. L’incontournable collection « Terres d’Amérique » confirme le talent de l’auteur.
1917. Quelque part au cœur des États-Unis, des hommes tentent de donner un sens à leurs pauvres existences. Ellworth Fiddler, fermier récemment plumé de ses maigres économies suite à une arnaque, tente de retrouver son jeune fils de 16 ans, ivrogne à ses heures perdues et disparu depuis peu de la maison. À la plus grande surprise de son père, Eddie se serait enrôlé dans l’armée. En effet, le pays engagé sur le front contre l’Allemagne, voit germer un peu partout des campements militaires destinés à enrôler et former les jeunes soldats avant de les envoyer en Europe. L’occasion pour nous de suivre le lieutenant Bovard, universitaire passionné par l’art militaire grec et romain.
Ayant découvert son homosexualité depuis peu, il voit sa vie prendre un sens au cœur de cette fourmilière de jeunes hommes transpirants, entraînés et prêts au combat. Non loin de là, une chasse à l’homme est engagée entre les frères Jewett, les autorités, et un groupe d’hommes embauchés par un riche industriel pour venger la mort de son fils. Le gang Jewett, comme il est surnommé dans les journaux, est composé de trois frères : Cane, Cob et Chimney. Élevés par un père persuadé qu’une vie de dur labeur les mènerait tout droit à la table du « banquet céleste », comme il se plaisait à leur répéter inlassablement, deux des frères n’hésitent pas, après la mort du patriarche, à entraîner le plus jeune sur les routes du grand banditisme.
Inspirés par le seul livre qu’ils aient lu et connu, La Vie et les aventures de Bloody Bill Bucket, ils s’embarquent dans une vie de hors-la-loi. Malheureusement pour eux, ils ne seront pas les plus doués dans l’art du braquage. Ils seront surtout accusés à tort de bien plus de crimes que ceux qu’ils auront réellement commis.
Ces personnages et bien d’autres seront également amenés à croiser, entre autres, Jasper Cone « responsable des installations sanitaires » de la ville de Meade, complexé depuis son plus jeune âge par un énorme sexe. Devenu à moitié fou, il rêve en secret d’être un héros qui débarrassera la ville des toutes ses crapules. Lire du Donald Ray Pollock, c’est se laisser porter par des personnages authentiques, violents, humains et drôles. Lire du Donald Ray Pollock, c’est comme si Faulkner, Cormac McCarthy et Tarantino s’étaient donnés rendez-vous pour nous offrir un roman sombre et lumineux à la fois.
Un humour noir finement maîtrisé qui ne fait qu’ajouter du style au texte. Une mort qui en vaut la peine est un livre qui en vaut la peine. Nous sommes entraînés le long des routes américaines aux côtés d’hommes malmenés par la vie et qui n’ont plus rien à perdre.
« Un matin de 1917, juste avant l’aube, le long de la frontière entre la Géorgie et l’Alabama, alors qu’un autre mois d’août torride touchait à sa fin, Pearl Jewett réveilla ses fils d’un aboiement guttural, plus animal qu’humain. »