Ouvrir Mère Cuba c'est comme s'asseoir dans une demeure délabrée de La Havane et appuyer sur le bouton "on air"
Un dimanche de septembre à Manoque, Pascal Quignard faisait une lecture de son dernier livre. Mais la foule si dense a si vite envahie le parquet de la salle minuscule qu'il a fallu trouver à s'occuper ailleurs. C'est comme ça, sur une pointe de déception, que j'ai atterrie devant la brune et sémillante Wendy Guerra.
Wendy Guerra a l'air d'avoir à peu près 12 ans et demi. Sa bio indique pourtant qu'elle est née en 1970 à La Havane. Ses cheveux chinois sont coupés au carré et retombent en une frange ultra courte au milieu du front. Une coupe d'écolière. Avec sa marguerite renversée en guise de jupe, elle a l'air de débouler tout droit d'entre les pages d'Alice au pays des merveilles. A son bras, installé dans un panier, un micro chien de la race Yorkshire fixe le public d'un air bien moins assuré que sa maîtresse. Devant elle, s'élèvent en piles des exemplaires de Mère Cuba (Stock), pépite rose bébé au milieu des tables avachies sous le poids de la rentrée littéraire. C'est une manière de suite à Tout le monde s'en va (Stock, LGF). La narratrice a grandi et changé de nom. Nieve est devenue Nadia Guerra, demi homonyme de l'auteur. Elle a certes gagné un patronyme mais immédiatement l'on songe à la proximité du prénom Nadia avec le substantif "nadie" (personne) et le pronom "nada" (rien). Personne Guerra, Rien Guerra. N'être rien pour être tout le monde ou comment la fiction personnelle doit accéder à celle plus grand nombre. L'autofiction non pour se raconter mais pour écrire la vie. La vie de tous ces jeunes cubains nés de ceux qui ont fait la révolution. En plein cyclone, en pleine crise, le seul lien avec l'extérieur reste la radio. D'aussi loin que je m'en souvienne, la radio a toujours été là la bande son de ma vie». Ouvrir Mère Cuba c'est comme s'asseoir dans une demeure délabrée de La Havane et appuyer sur le bouton "on air".