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Avec Salman Rushdie
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Dix ans déjà.
Voilà dix ans que, par un acte que l'on croyait réservé aux siècles obscurs, le gouvernement d'un grand pays, reconnu par la société des Nations, a condamné à mort Saldam Rushdie.
Voilà dix ans qu'un écrivain européen - assassinable, désormais, n'importe où, à tout instant, par n'importe quel intégriste musulman désireux d'effectuer cette "fatwa"- vit dans la crainte de cette mort annoncée, mais fait front.
Et voilà dix ans que nous sommes quelques-uns à être hantés par ce proscrit qui, presque seul, animé d'une force de caractère peu commune, tient tête à ce mauvais destin et à la meute des chasseurs de prime que l'Histoire a lâchée à ses trousses : honneur d'être les contemporains de cet homme-là ; honte, le mot n'est pas trop fort, d'être les témoins d'un âge qui aura rendu possible ce remake particulièrement atroce des procès de Giordano Bruno et de Spinoza ; et sentiment diffus que du sort fait à cet homme, de la façon que l'on aura, ou non, de se sentir comptable de sa vie, dépend, autant que de l'issue, par exemple, des tragédies balkanique ou algérienne, l'avenir de l'Europe et de ses valeurs. Suis-je le gardien de mon frère ? Mais oui ! Nous le sommes tous ! Comme je plains ceux qui, par étourderie, lâcheté, volonté d'avoir, comme d'habitude, la paix, ne s'en sont pas avisés !